L’art de polir un joyau
Ram est l’un des pionniers des pratiques taoïstes. Son témoignage confirme que c’est sous l’impulsion de médecins, de psychiatres et de chercheurs scientifiques en psychomotricité qu’elles se sont répandues en France, annonçant ainsi l’alliance entre la Tradition et la science, la Connaissance et le savoir, qui a profondément influencé la recherche de pointe. Il a codirigé de nombreux travaux de recherches sur le Tai-Ji-Quan, notamment avec le Pr. Henri-Nhi Barte, psychiatre des hôpitaux, en 1974, et avec Michèle Brouchon, Maître de recherches au CNRS ; en 1979-80, il dirigea des recherches sur le syndrome de Balint (lésion bipariétale symétrique) dans le but de mettre en évidence l’activation de circuits de compensation cérébraux destinés à suppléer les fonctions endommagées, et des expériences menées par et avec ses élèves. Il prépare un livre intitulé Processus cognitifs et gestion du mouvement dans le Tai-Ji-Quan.
Du Yoga aux arts classiques du Tao
En 1969, je donnais des cours de yoga à Paris depuis plusieurs années. L’un de mes amis, professeur de psychiatrie, rencontra des collègues de la Salpêtrière qui initiaient, eux aussi, à titre expérimental, un cours de « techniques corporelles orientales », en fait de Tai-Ji-Quan. Les séances se déroulaient au sein de l’Institut de psychomotricité et concernaient uniquement les cadres de l’école ainsi que quelques médecins sensibilisés. Cette équipe m’a rendu visite lors de mes interventions à l’hôpital Benneval de Chartres, puis m’a invité à être témoin de leur propre pratique. L’enseignement du Tai-Ji-Quan à la Salpêtrière s’était établi sous l’impulsion du fondateur de la première école de psychomotricité en France, qui avait fait partie de l’aréopage médical et scientifique accompagnant la « mission Pompidou » en Chine lors de l’ouverture des relations culturelles franco-chinoises. Ce professeur, à son retour, ramenait des ouvrages en chinois sur le Tai-Ji-Quan. Il pensait, et déclarait, avoir « découvert » une source importante d’inspiration pour la psychomotricité occidentale, et il chargea Suzanne Masson, directrice de l’Institut, de trouver un « mentor » capable de transmettre ces techniques exotiques. C’est par l’intermédiaire d’un membre du CNRS, spécialisé dans les pratiques et les soins du corps en Extrême-Orient, que la Salpêtrière trouva ce Maître, Li-Guang-Hua. A cette époque, le Tai-Ji-Quan était très peu connu en France. De plus, j’étais à la fois très pris et passionné par ma propre pratique ainsi que par ses dimensions philosophiques. Je n’étais en recherche ni de traditions ni de techniques nouvelles. J’ai surtout été très attiré par la simplicité, l’amabilité et la bonhomie du Maître, ainsi que par l’ambiance chaleureuse du cénacle de la Salpêtrière… Li-Guang-Hua, jésuite et recteur de la mission catholique chinoise de Paris, était un être intéressant et attachant. Bien que, de part sa nature, son âge et sa fonction, il fut plus sensible à la finalité thérapeutique du Tai-Ji-Quan, il appuyait son enseignement sur des références martiales, et transmettait la dispersion des mains (San-Chou), un véritable trésor. Mais pour lui, ce n’était pas là le message essentiel du Tai-Ji-Quan, ou du moins de ce qu’il voulait nous en faire ressentir. Le sens martial était plutôt donné dans le but d’une meilleure mémorisation vivante du modèle et afin que le corps se meuve « de manière logique et unifiée ».
Li-Guan-Hua effectuait la forme à un rythme d’environ trente minutes. Nous l’effectuons plus lentement, soit 40 minutes pour le rythme et 50 minutes et plus pour le rythme profond. Dans ma propre pratique, le mouvement lent s’est imposé de lui-même progressivement et spontanément. C’est l’installation d’un état intérieur durant la pratique qui a décidé de la vitesse et du temps d’exécution, et dans mon travail personnel, sous l’effet de cette nécessité, il m’arrive de réaliser la forme en 70 minutes. Au-delà, il y a dilution des perceptions et de la correcte exécution des impulsions motrices.
Le rythme fondamental
Le mouvement lent traduit la nécessité spécifique d’une situation donnée. Il n’est en aucun cas le ralentissement d’un mouvement ordinaire que serait, en quelque sorte, le mouvement normal. En outre, lorsqu’un état de profond apaisement se développe à l’intérieur de soi, l’attention est alors centrée sur l’émergence, la stabilité et le prolongement de cet état. Il peut en résulter, sur le plan moteur, un rythme de mouvement qui, tout à la fois, s’inscrit dans cette quiétude et permet de la réfléchir sensoriellement sans fragiliser le subtil courant qu’elle constitue.
Pourtant, en parcourant nombre d’ouvrages contemporains sur le Tai-Ji-Quan et quelques traductions d’anciens traités, on constate qu’à part quelques déclarations d’ordre général et quelques affirmations qui ne manquent certes pas d’intérêt, rien ne fait pleinement apparaître l’intérêt fondamental de ce rythme. Maître Yang Chen-Fu fut le seul, semble-t-il, à donner quelques précisions sur ce thème (1). Certains auteurs posent l’hypothèse que le Tai-JiQuan « descendrait de la boxe de Yu et de Qi, par l’intermédiaire du Shaolin Quan du XVI e ou XVII e siècle » (2) , mais qu’il possède des caractéristiques que l’on ne trouve pas chez ces maîtres, « ni au monastère Shaolin, comme l’alternance très marquée de la lenteur et de la rapidité, qui font de lui un art original » (3). Or, si le brusque changement de rythme peut être considéré comme original, l’originalité des rythmes eux-mêmes ne peut concerner le rythme rapide, qui est le rythme usuel des arts martiaux classiques. C’est le rythme lent du mouvement, avec tout ce qu’il introduit de nouveau, qui constitue la pierre angulaire de cette originalité. Et ce n’est pas une simple caractéristique originale. Selon d’anciens maîtres, la lenteur du rythme du mouvement est destinée à régler l’adéquation entre l’intention et le mouvement : « Au moindre manque d’harmonie, il faut se corriger promptement, c’est la raison pour laquelle l’enchaînement s’exécute lentement » (4). D’autres maîtres y voient davantage « l’opportunité de développer une nouvelle force, le Jing, parfois appelée Li, très différente de la force brute ; cette force naît de l’absence de force, c’est pour cela que la première étape du Tai-Ji-Quan est de pratiquer lentement et sans force » (5). Catherine Despeux le souligne également : « La détente et le travail du souffle effectués lors de l’enchaînement vont permettre le développement d’une force intérieure et illimitée appelée Jing, que les maîtres de Tai-Ji-Quan opposent à la force musculaire considérée comme bien inférieure et limitée » (6). Ici, il est plus question de détente que de lenteur ; néanmoins le rythme lent paraît impliqué, par exemple, dans l’absence de sensations aiguës telles que pourraient en produire une forte impulsion cinétique ou la force de freinage utilisée dans les mouvements rapides. Yang Chen Fu, quant à lui, exprime en quelques phrases plusieurs caractéristiques du rythme lent, et notamment son action sur l’activité respiratoire pulmonaire, son action sur la perception et la circulation du souffle interne, et sa vocation naturelle d’expérience intérieure. Concernant le premier niveau d’efficience de ce rythme, il précise : « Le Tai-Ji ne contient que vide et plein, ouverture et fermeture, afin de régulariser la respiration. La meilleure façon est d’exercer tout le corps uniformément et dans la lenteur. Par l’uniformité et la lenteur, on peut respirer naturellement et profondément. Aussi est-il possible de se reposer sans peine dans ce rythme » (7).
Ou encore : « Dans le Tai-Ji-Quan, on dirige le mouvement par le calme ; c’est pourquoi il est préférable d’exécuter les mouvements le plus lentement possible. Grâce à la lenteur, la respiration devient longue et profonde, le souffle est concentré dans le champ de cinabre » (8). Sur le second niveau, il décrira : « La respiration du Tai-Ji-Quan suit seulement l’ouverture et la fermeture du corps. Dans la respiration de Tai-Ji, élever et descendre sont réellement le mouvement du souffle prénatal. Si on inspire et expire par la bouche et le nez pour élever et descendre, cela est loin de la respiration prénatale ; la montée et la descente du souffle prénatal sont en accord avec les mouvements du Tai-Ji-Quan.
C’est pourquoi on cherche le calme dans la pratique. C ‘est le meilleur moyen pour aider à la méditation » (9). Et il ajoute : « Dans le Tai-Ji, on dit : quand on détend entièrement le ventre, le souffle tourbillonne. Le mouvement dans la lenteur détend complètement le ventre et le souffle peut descendre naturellement dans le Dan tian. Aussi, ceux qui emploient la force ne peuvent-ils attendre un état confortable et naturel, ni découvrir les bienfaits du Tai-Ji » (10).
« Ô feu sacré ! C’est toi qui fonds et dissous le cœur, qui le fait écouler dans sa source originale, où ne comprenant plus rien, il sera compris du tout. Ô nudité ! Ô Flexibilité ! Ô fluidité ! » Jeanne de la Mothe Guyon , Lettres Chrétiennes . Le mystère de la Chambre Vide Enfin, d’une simple phrase, il mentionne l’un des aspects les plus subtils de cet art : « Là où le mouvement est lent, se trouve la chambre vide » (11). Allusion directe à la présence du Wou (12) , l’insondable vacuité.
En effet, le terme « chambre » est couramment utilisé dans les milieux taoïstes comme synonyme d’espace, ou pour indiquer une localisation physiologique, énergétique ou encore une expérience intérieure associée à une région du corps. Une hagiographie taoïste du IV e siècle précise qu’ « on appelle « vide » le Wou du Ciel, « grotte » le Wou dans une montagne, « chambre » le Wou dans l’homme ; quand, dans la tête de l’homme, il y a un vide, on l’appelle « chambre de l’union » (13). Yang Chen Fu connaissait certainement le fameux traité Tai Yi Kin Houa Tsoung Tchi, Le secret de la Fleur d’Or , auquel il fait une discrète allusion dans l’un de ses textes (14). Ce texte, probablement écrit vers la fin du VIII e siècle ou le début du IX e , cite un passage du Sou-Wen, première partie du NeiKing (15) , où il est dit : « Les fleurs germinales du corps doivent se concentrer en haut, dans la Chambre vide ». Et l’auteur du traité de la Fleur d’Or ajoute : « En cette formule, l’immortalité est incluse, aussi la victoire sur le monde. C’est le but commun à toutes les traditions » (16).
Il est hors de doute que pour Yang Chen Fu, la lenteur du mouvement est intimement liée, dans le Tai-Ji-Quan, à l’expérience intérieure profonde, soit comme rythme inducteur et climat de cette expérience, soit comme son effet immédiat sur la motricité. En outre, à la différence de l’alternance du rythme des mouvements, qui paraît être l’une des caractéristiques de l’Ecole Chen, l’Ecole Yang se situe résolument dans la perspective de l’intériorité, de sa découverte, de son rayonnement, en optant clairement pour l’uniforme continuité du rythme. En effet, dans le mouvement, elle seule peut induire sans tension la stabilité du point d’appui intérieur, l’assise intérieure centrée. Certes la nature du rythme mériterait d’amples développements, ainsi d’ailleurs que les processus cognitifs impliqués. Mais ceci est un bien vaste programme (17). Le geste juste Chacun peut faire cette expérience, à condition de s’appliquer régulièrement à une exécution juste. Cette justesse va dépendre en partie d’une bonne compréhension préalable de la nature intrinsèque de la lenteur cinétique. Lenteur et continuité du geste ne peuvent naître d’un freinage et d’une discontinuité de l’intention habituelle ; il faut trouver en soi un point d’appui radicalement nouveau à la réalisation gestuelle. On peut presque parler d’un « décrochage », d’un « changement de registre » dans le fonctionnement psychocorporel de l’élève. Cette rupture de niveau va paradoxalement engendrer une accélération de la richesse et de la profondeur de la sensation, de la perception. Comme dans le Koan Zen, l’éclosion de l’état intérieur, point d’appui et témoignage de la lenteur profonde dans l’expérience du Tai-Ji-Quan, va naître d’une situation paradoxale dans laquelle se trouve entraînée l’attention. Cette faculté va devoir faire preuve à la fois d’intensité et de globalité ; tout va devoir être perçu localement et simultanément… C’est conçu comme cela que la pratique du Tai-JiQuan va pouvoir devenir, concrètement, une incitation permanente à la continuité et à la lenteur plaisante et naturelle, à ce que l’on nomme tout simplement « relâchement ».
Paraphrasant le Bouddhisme, on peut évoquer deux grands types de « parasitage » qui sont des obstacles majeurs à ce « relâchement » : « l’agitation », qui est une indisponibilité à la concentration, et « la distraction », qui est plus de l’ordre de la rupture dans la continuité de l’effort de concentration. Le mieux est de ne pas trop donner d’importance aux processus perturbateurs et de continuer tranquillement l’exercice de façon régulière et intelligente. Bien des obstacles s’érodent alors d’eux-mêmes. La respiration Diverses écoles de Tai-Ji appliquent le concept de «respiration» presque exclusivement à la respiration pulmonaire. Parmi ces écoles, certaines ont prévu d’assigner une phase respiratoire à chaque mouvement. Par exemple, dans une séquence de mouvements oscillatoires, comme dans le Petit Tai-Ji (saisir la queue d’un oiseau), chaque oscillation s’effectue sur une phase respiratoire, ou encore les mouvements d’ouverture se produisent sur une inspiration et les mouvements de fermeture sur l’expir, ou l’inverse… Il ressort de cette façon de faire une limitation inacceptable. En effet, une phase respiratoire implique une certaine durée, mais bien moins importante qu’un mouvement lent. Le mouvement n’est pas limité par les mêmes impératifs que ceux de la respiration, tels que la limite thoracique ou l’oxygénation nécessaire durant l’exercice, et le mouvement peut être beaucoup plus long qu’une phase respiratoire. Faire dépendre son rythme de celui de la respiration, aussi lent soit-il, c’est limiter l’action conjointe de la concentration et de la détente sur le rythme du mouvement ; c’est également se priver des effets si profonds et structurants du rythme lent. Il ne doit pas exister ici de dépendance fonctionnelle systématique du mouvement à l’égard du rythme respiratoire. Par contre, l’inverse paraît beaucoup plus proche de l’esprit du Tai-Ji-Quan. Yang Chen Fu disait qu’ « il est préférable d’exécuter l’enchaînement des mouvements le plus lentement possible. Grâce à la lenteur, la respiration devient longue et profonde » (18). De fait, le rythme lent du mouvement s’étend sur l’activité respiratoire, qu’il module sur le même registre que le sien. Il en résulte un mouvement et une respiration qui ont effectivement le même rythme mais qui n’ont pas la même longueur.
Propos recueillis par Thierry Borderie
- (1) Voir Méditation et respiration in Tai-Ji-Quan… présenté par J. Gortais, Le Courrier du Livre, Paris 1981, p.78-79. Voir aussi Les dix principes essentiels du Tai-Ji-Quan : rechercher le calme au sein du mouvement in Tai-Ji-Quan…, C. Despeux, Ed. Guy Trédaniel, Paris, 1981, p.113.
- (2) Tai-Ji-Quan, art martial de la famille Chen , T. Dufresne et J. Nguyen, Ed. Budostore, Paris, 1994, p.60.
- (3) Ibid., p. 60-61.
- (4) Formule en cinq caractères Li Yixu, tr. C. Despeux, op. cit., p.120.
- (5) T. Dufesne et J. Nguyen, op. cit., p.94.
- (6) Tai-Ji-Quan , art martial…, C. Despeux, op. cit., p.78.
- (7) Tai-Ji-Quan…, présenté par J. Gortais, op. cit., p.78.
- (8) C. Despeux, op. cit., p.113.
- (9) Tai-Ji-Quan… présenté par J. Gortaix, op. cit. p.79.
- (10) Ibid, p.79. (11) Ibid, p.78.
- (12) Sur ce terme, voir aussi : Méditation taoïste, Isabelle Robinet, Dervy, Paris 1979, p.185 – Procédés secrets du joyau magique, Farzeen Baldrian-Hussein, Les Deux Océans, Paris, 1984, p.187 et 278.
- (13) Biographie d’un taoïste légendaire : Tchéou Tseu-Yang, Manfred Porkert, Mémoire de l’Institut des Hautes études Chinoises, vol. X, Collège de France, P.U.R. 1979, p.111.
- (14) Méditation et respiration, in Tai-Ji-Quan… présenté par J. Gortais, op. cit., p.79.
- (15) Célèbre traité de médecine traditionnelle dont l’auteur présumé ne serait autre que Houang-ti, l’empereur jaune.
- (16) Traité de la Fleur d’or du Suprême Un, tr. Pierre Grison, Traditionnelles, Paris 1975, p.73. Voir aussi Le Secret de la Fleur d’Or, Tr. Liou Tse Houa, Librairie de Médicis, Paris 1969, p.65.
- (17) Etude à paraître dans Tai-Ji-Quan, Fonctions cognitives et gestion du mouvement.
- (18) Catherine Despeux Tai-Ji-Quan, art martial, technique de longue vie, Pd. Guy Trédaniel, 1981, p.113. Voir aussi Tai-Ji-Quan, l’enseignement de Li Guang Hua, la tradition de l’Ecole Yang, présenté par Jean Gortais, Ed. Courrier du livre, 1981, p.78.
Thierry Borderie – par Georges Charles
Thierry Borderie est enseignant au Conservatoire National d’Art Dramatique de Bordeaux. Il est également l’un des Membres Fondateurs de la Convention des Arts Classiques du Tao. Il enseigne les Arts Classiques du Tao depuis plus de vingt ans et est l’un des piliers de l’Ecole San Yiquan – Le Poing des Trois Harmonies – et pratique avec Georges Charles depuis le début des années 80. De ce fait je lui ai décerné, en tant que Chef d’Ecole (Daoshi) et successeur de Wang Zemin (Wang Tse Ming ou Tai Ming Wong) l’équivalence d’un 7eme Niveau. Il a également étudié, pratiqué et enseigné les Arts Vietnamiens et Sino-Vietnamiens et plus particulièrement les armes traditionnelles chinoises, sino-vietnamiennes et vietnamiennes. Il est également l’un des derniers élèves directs de Ram en Taijiquan puisque ce dernier a décidé de ne plus enseigner cet art. Thierry Borderie demeure donc un expert tant de l’Externe que de l’Interne qu’il continue à transmettre de concert avec les enseignants qu’il a formé. Il continue des recherches professionnelles sur la physiologie et l’anatomie appliquée aux comédiens et aux musiciens et intervient, en tant que conseil auprès des professionnels et des étudiants. Thierry Borderie enseigne à Bordeaux et dans le terroir de Saint Emilion. Ram – par Georges Charles Ram, enseignant de Yoga découvrit le Taijiquan au tout début des années soixante-dix, c’est à dire à une époque ou cet art était pour le moins confidentiel en Occident et donc en France. Et il le pratiqua sous la direction de Li Guanghua, qui avait profité de l’enseignement d’un disciple direct du fameux Yang Sheng Fu. Excusez du peu.
Il peut donc, sans aucun doute, être considéré comme l’un des tous premiers pionniers de cette pratique hors de Chine. Il est du moins l’un des premiers Occidentaux à l’avoir enseigné et transmise tant dans le fond que dans la forme. Il a d’ailleurs, à ce titre, préfacé l’ouvrage de son condisciple auprès de Li Guanghua, Jean Gortais. Il partage donc cette préface avec Karlfried Graf Durckheim. Cet ouvrage « Taiji Quan – l’enseignement de Li Guanghua la tradition de l’école Yang » paru au Courrier du Livre fut et est toujours une sérieuse référence. Mais Ram est quelqu’un de très discret, voire de très secret, et qui prodigue ses enseignements loin des flonflons et des néons du Landerneau gesticulatoire de la presse spécialisée et des exhibitions fédératives. Et il n’a surtout jamais revendiqué quoi que ce soit si ce n’est ce nom de Ram ! Et probablement quelques disciples souvent aussi discrets que lui. Mais c’est un fait : il est. Note de Georges Charles sur les transcriptions du chinois en français
Si on souhaite respecter les traités internationaux signés avec la Chine il convient d’utiliser la terminologie officielle de la République Populaire qui est la transcription dite « mandarine » ou Pinyin Zimu. Dans ce cas il convient simplement d’écrire taijiquan. Mais de nombreux auteurs, enseignants, pratiquants ou observateurs ont pris l’habitude, fort ancienne, d’utiliser d’autres transcriptions dont celle de l’EFEO (Ecole Française d’Extrême Orient), du Wade (transcription anglaise)n du Lessing (transcription allemande) ainsi que d’autres transcriptions non répertotiées que Lucien Tenenbaum dans « Ecrire, parler, soigner en chinois – Editions Tredaniel) qualifie de TAF (Transcription des Acupuncteurs Francophones). Le Taijiquan c’est donc aussi le Tai-ki k’iuan (EFEO classique !) cher à Catherine Despeux et à Etiemble, le Tai-Ji-Quan (Pinyin francisé EFEO moderne), le Taï Chi Ch’üan (!) en Wade classique, le Taiji Quan (pinyin francisé actuel), le Tai Tchi Chuan (mélange anglo-français), le Taidji Kuen (Wade américanisé) et toutes autres vatantes avec apostrophes, tirets, trémas. Mais tous désignent bien le même art, ou peu s’en faut. Et on entend même dire « Je fais du Tai » ! Un peu comme « On fait la Thailande, les pyramides, son âge, une crise de foi(e) ou la gueule ». En touriste.
Ce qu’on peut traduire par Poing (Quan) du Grand (Tai) Faite (Ji). Ou « Poing du Faite Ultime » Mais en fait le caractère chinois Ji c’est aussi la « poutre faîtière » d’un édifice. On peut donc en distinguer le sommet (faite) ou la construction (poutre et charpente). Jadis les sinologues et particulièrement les Jésuites utilisaient également le terme « grand comble » (ce qui rejoint l’idée de poutre). De fond en comble c’est de la cave au grenier pour la maison comme c’est de pied en cap pour l’homme. Mais c’est le Dictionnaire Classique de la la langue chinoise de l’Empereur Kangxi, traduit par Séraphin Couvreur SJ, qui en donne la plus belle définition :
« Le Taiji désigne un mouvement qui va jusqu’à son apogée (Ji) et même le dépasse(Tai) »
Le « Poing » du Taiji désigne donc l’Art Chevaleresque du Grand Faite. Au plus bas niveau de compréhension c’est « la boxe du Grand Faîte » donc une histoire de vilains (jeux de mains et de poing, jeux de vilains !) Mais si on se réfère au classicisme le « poing » est ce qui est de plus subtil dans la « forme » corporelle. Le « poing » est donc utilisé dans le tir à l’arc, la conduite des chevaux, la calligraphie et représente « Shen » donc « Esprit » par opposition à la paume qui représente « Terre ». Il est également utilisé dans les saluts rituels où il vient rejoindre la paume ouverte. Dans cette hypothèse le poing « Quan » désigne donc ce qui est capable de transmuter le grossier (méthode de combat) en subtil (art chevaleresque ou art d’éveil sinon art philosophique dans le sens de l’Alchimie).
C’est aussi la transformation de la violence en art de paix.
Sur les rives de la fluidité - L'art de polir un joyau
Apprendre le Tai-Ji-Quan, ne serait-ce que dans son aspect formel, n’est pas chose aisée. Certains enseignants donnent très peu d’indications verbales, contrairement à d’autres qui submergent de paroles et de conseils. Il y a également le conflit éternel entre globalistes et analytiques, que l’on retrouve dans la pédagogie de la transmission des disciplines orientales autant qu’occidentales. Dans la deuxième partie de son exposé, Ram, qui dirige des cours à Paris, évoque sa conception de l’enseignement en occident. Ses propos théoriques peuvent sembler difficiles à comprendre, mais leurs applications, qu’il détaille, permettent de les intégrer pleinement.
Si l’explication facilite l’étude, la pratique se trouve favorisée par le silence. L’une et l’autre me semblent indispensables à la bonne compréhension des élèves occidentaux. Pour intégrer valablement, il faut refléter le plus parfaitement possible le modèle interne proposé. Il faut ensuite projeter ce modèle interne en amont de la reproduction.
La projection avant reproduction, c’est l’anticipation. Comment, alors, appréhender correctement ? C’est tout un art. La détente interne Il est souvent demandé de percevoir et d’intégrer le modèle dans sa totalité, afin que le détail d’un mouvement soit toujours partie du mouvement de l’ensemble. Or, la tendance immédiate de l’attention est de fragmenter ce qu’elle saisit en éléments distincts : elle réduit en scindant On est donc confronté, dès le début de l’exercice, à cette habitude « cognitive », la fragmentation, qui découle du désir de comprendre. Faut-il faire un choix entre une attention qui englobe, synthétise, unifie, et une attention qui réduit, fragmente et sépare, ou existe-t-il une autre solution qui rendrait compatibles et simultanés ces deux dynamismes ? Pour aussi étrange qu’il y paraisse, c’est bien de leur simultanéité dont il est question dans le Tai-Ji-Quan. Cela paraît fonctionnellement impossible ! Aussi est-on tenté de les travailler séparément. Et pourtant, ce qui peut se révéler difficile, voire impossible, selon une certaine intensité de conscience et de vitalité, se réalise aisément lorsque cette conscience et cette vitalité reçoivent et véhiculent en elles-mêmes la plénitude d’une force idéale. Le moyen d’une telle éclosion ? Les anciens Maîtres disaient qu’il est « élan intérieur » en lequel la conscience abandonne sa propre restriction en s’ouvrant simultanément à elle-même. L’abondante vitalité qu’elle recèle l’envahit aussitôt dans une radiance de pure gratuité. Cet acte si vif, si médian, certains l’appelèrent « détente interne ».
Voici une suggestion : lorsque vous appréhendez le modèle, de manière furtive ou continue, la conscience analytique est plutôt centrée dans la région de la tête ; prenez alors appui sur la région du cœur et voyez comment l’intégration se développe. L’unité dynamique S’il fallait trouver une seule raison pour que le Tai-Ji-Quan conserve sa forme martiale, ce serait probablement cette qualité particulière de l’art martial que l’on décrit comme l’unité dynamique du corps. Bien que cette spécificité ne soit pas l’apanage de tous les arts martiaux, elle n’en constitue pas moins une dominante pour certains d’entre eux et, pour tous, un principe d’action incontournable.
Les principales phases des relations martiales pourraient, schématiquement, être classées comme suit : a) l’écoute ; b) l’esquive ou la neutralisation ; c) l’attaque. L’Ecoute Cette démarche comprend au moins deux aspects. Le premier, plus psychologique, s’applique à toutes les phases et tous les instants de la relation martiale. Cet aspect de l’écoute traduit une totale couverture du partenaire-adversaire par la perception. Psychologiquement , ceci implique d’être « avec l’autre » et demeurer avec lui, sans rupture. C’est, sur le plan cognitif, l’illustration de l’action de « coller » à l’adversaire, de rester avec, de garder le contact aussi complètement qu’il se peut. Le second aspect correspond à la relation martiale durant les phases neutres. Autrement dit, à l’action de « suivre » le partenaire, en vue, soit de le mettre en situation de vulnérabilité, comme, par exemple, mettre en évidence sa région dorsale pour lancer une attaque ; soit de détecter le moment initial d’une attaque afin de l’absorber par l’esquive ou la neutralisation. Cet aspect est particulièrement perceptible lorsque l’on suit le partenaire à l’orée d’une attaque ou sur la fin d’une esquive, du fait du traitement rapide et massif d’informations effectué à travers les points de contact, la vision étant considérée comme un mode de contact.
L’idée générale qui ressort de cette écoute pourrait être formulée dans l’expression « être totalement avec », ce qui conjoint une disposition psychologique constante et l’acte de rester en contact. Ces deux facteurs ne comportant aucun processus endogène antagoniste de celui du mouvement exercé.
« Sans cesse tourné vers l’intérieur, il participe à l’intense beauté qui est destruction de la contraction par la jaillissante irradiation de la Conscience ». Yogini Hrdaya, Le cœur de la Yogini, trad. André Padoux, Paris, de Boccard, 1994. Esquive et neutralisation Cette phase met particulièrement en relief le contenu instinctif-réflexe du mouvement. En effet, la totalité du corps se meut de façon instantanée pour échapper à l’agression ou se protéger contre elle.
Dans un tel acte, aussi vital, il n’existe aucune tension antagoniste, aucune contradiction interne dans le corps durant l’action ; toutes les parties du corps coopèrent de façon immédiate à l’action réflexe. L’esquive implique un déplacement de l’axe du corps au moment de l’attaque du partenaire-adversaire. Cette attaque ne sera pas déviée, mais elle pénètrera directement dans l’espace vide suscité par l’esquive. Cette manœuvre ne comporte pas l’obligation d’un contact avec l’adversaire.
La neutralisation consiste à faire dévier l’attaque du pseudo-adversaire. Sa trajectoire est modifiée, « transformée » et se perd, ici aussi, dans l’espace vide.
La neutralisation comporte un contact nécessaire avec le corps de l’adversaire ; si elle se produit sur la fin d’une esquive, elle constitue, en fait, l’entrée en contact précédant une attaque. Dans ce cas, ce n’est plus la déviation d’une trajectoire qui est concernée, mais bien la neutralisation d’un membre de l’adversaire et la création d’une zone vulnérable. Souvent, l’esquive et la neutralisation sont associées. Je les classe toutes deux dans la même catégorie car elles concernent le traitement de l’attaque de l’adversaire. Dans l’esquive, l’axe du corps se déplace en associant oscillation et rotation, et conjugue autour de lui tous les mouvements suscités par la force d’inertie lors de son déplacement. A cette force d’inertie, il faut adjoindre la force intentionnelle qui confère au mouvement sa précision et sa vitesse idéale. Dans cette phase, le contact n’est plus nécessaire. Dans la neutralisation, l’entrée en contact est impliquée. Ici, le déplacement, qu’il soit oscillation ou rotation, communique la poussée de la jambe qui fournit l’essor cinétique au bras qui entre en contact avec le corps du partenaire-adversaire. L’attaque A la fin de l’esquive ou de la neutralisation, une zone vulnérable du corps du partenaire-adversaire peut être directement accessible. Mais du fait que le mouvement du partenaire change continuellement dès que l’opportunité de l’attaque se manifeste, elle doit être saisie instantanément. Cela signifie que, dans une telle situation, c’est quasiment de façon instinctive et réflexe que l’attaque est émise. Là aussi, le corps s’engage totalement : l’intégralité de ces capacités est mobilisée et unifiée pour l’atteinte de la zone d’impact Aucune contradiction interne ne freine le mouvement. En résumé, quels que soient l’aspect ou la phase d’une relation martiale, on n’observe aucun processus moteur antagoniste au mouvement produit et l’on constate que l’intégralité du corps coopère de façon simultanée, à l’action immédiate. L’expression « unité constante du corps en mouvement » évoque bien cette simultanéité intentionnelle et motrice. Du fait de l’absence de tension contradictoire, les choix cinétiques, musculaires et articulaires, sont optimisés et se conjuguent de façon idéale. Il en résulte une aisance profonde du corps pour réaliser l’action concernée. C’est là un aspect irremplaçable et particulièrement positif de la structure martiale des mouvements.
Les états-instants D’une façon très générique, il semble possible d’évoquer ici quatre états consécutifs dont la durée est très variable. Parfois leur extrême rapidité tend à les indifférencier ; parfois encore, l’exclusive durée de l’un d’eux le rend plus caractéristique que les autres. Le premier de ces états-instants concerne l’apaisement initial, qui provient de ce qu’il est convenu d’appeler un « changement de registre » dû à l’intention de la disponibilité intérieure, au relâchement qu’elle engendre avant et pendant le mouvement et enfin aux effets profonds du rythme lent.
Le second instant est le fruit du maintien de l’apaisement initial, notamment dès que celui-ci se manifeste de façon continue et spontanée durant l’exercice. Sa caractéristique est l’accroissement de la densité intérieure. La conscience paraît « prendre de l’épaisseur ». Ceci constitue la phase de stabilité dans l’intensification de l’apaisement. Le troisième instant est proprement l’apparition, par le fond de l’apaisement d’un courant qui va sensiblement modifier la perception de soi. Une très dense effervescence, faite de conscience, pénètre et parcourt l’intime perception de soi. Envahi et porté par ce flux ininterrompu, on entre dans un courant.
Le quatrième état-instant concerne l’irradiation du courant lui-même. Celui-ci flue sans cesse hors de lui-même et en lui-même ; il agit à la fois comme fondement intérieur, densité et vibrante irradiation. Dans son flux externe, son « débordement », il imprègne toute la perception corporelle et lui confère une spatialité et une fluidité exceptionnelles. Dans son flux interne, il manifeste l’éveil du « cœur » et révèle l’effleurement de son abyssale plénitude. On le nomme dès lors Conscience, Energie, Présence, Souffle… Lorsque, dans le Tai-Ji, le mouvement porte en lui-même la plénitude d’une conscience abîmée en sa propre éclosion, ce mouvement témoigne du rayonnement interne de la conscience. Sont impliqués : la fonte des limites dues à la contraction inconsciente, le dénouement des « nœuds » où s’entremêlent énergies stagnantes, amphigouriques, faisant sans cesse retour sur elles-mêmes, et simultanément l’apparition de la respiration interne. Comme le précisaient nos anciens maîtres : « sur ce sujet, il n’est pas nécessaire d’en dire plus ; chacun fera sa propre expérience ». La respiration Il n’est pas souhaitable de contraindre le rythme respiratoire ou de lui appliquer volontairement un rythme qui ne soit pas directement issu de l’assise intérieure. On doit d’abord se « poser » intérieurement, en choisissant toujours l’appui qui rend l’accès aux perceptions plus clair, plus direct, plus agréable, et non l’appui intérieur qui isole et confère une fausse impression de distance. A partir de ce repos vigilant, en soi-même, le rythme du mouvement, comme le rythme respiratoire, sont directement incités selon une certaine impulsion qui manifeste, au moins partiellement, l’état intérieur dont elle est issue et auquel elle renvoie sans cesse. Cela dit, il est préférable de laisser agir volontairement la respiration que de risquer son blocage. Les phases motrices les plus délicates pour la respiration sont celles qui comportent une gestion très précise de l’équilibre : la mise en place et le maintien de l’équilibre sur un pied, et la déflexion des bras et de la jambe libre (coup de talon).
Or, le mouvement requiert la quasi totalité de l’attention et toute dérivation vers un autre processus serait préjudiciable à l’intégration et la reproduction du mouvement. Il faut donc exercer un contrôle sur l’activité respiratoire sans lui consacrer une attention qui ferait défaut par ailleurs. La « gutturisation » de la respiration est, me semble-t-il, un excellent moyen. Comment procéder ? Tout simplement en fermant légèrement la gorge en respirant. On obtient ainsi une sonorité respiratoire réelle et parfaitement audible. Le fait de l’entendre suffit à l’inciter sur le même registre, exactement comme on module un son. Ainsi, la parfaite régularité de la sonorité, ainsi que son insécable continuité, vont-elles correspondre peu à peu à « l’espace moteur » du mouvement, à son rythme, à son glissement ininterrompu. Cela donnera parfois l’impression que le rythme du mouvement s’appuie sur le rythme respiratoire. En fait il s’agit plutôt d’une harmonieuse symbiose, le « point d’appui » du mouvement est ailleurs. Enfin, le mouvement diaphragmatique abdominal paraît le plus opportun en cas d’action volontaire sur la respiration. D ‘ailleurs ce mouvement respiratoire se produit de façon naturelle lorsque la respiration trouve sa place. Le non-dire A l’usage, on constate que certains termes ont un sens très extensible. En effet, les mots « énergie interne », « souffle », « circulation de l’énergie » et bien d’autres, qui reviennent si souvent dans la littérature relative au Tai-Ji-Quan, cachent, selon les individus, des degrés de réalisations très différents qui vont du simple concept, fut-il enthousiaste, à la réalisation pleine, complète de certains processus que la pensée ne saurait ni créer, ni atteindre. D’ailleurs les plus riches en expériences sont souvent, à cet égard, les plus silencieux ; il reste néanmoins que leur silence est plein de vie. Sur ces domaines infiniment précieux, nos maîtres se sont montrés fort peu enclins au dévoilement verbal, mais ils n’ont pas dit, comme l’écrivait Abhinavagupta, qu’il ne fallait pas en parler du tout.
A vous de voir…
Ram conseille de lire avec profit quelques livres : Tai-Ji-Quan, technique de longue vie , par Catherine Despeux. Editions Trédaniel, Paris, 1981. Tai-Ji-Quan, l’enseignement de Li-Guang-Hua, la tradition de l’école Yang , par Jean Godais. Editions le Courrier du Livre, Paris 1981. Tai-Ji-Quan, art martial ancien de la famille Chen , par T. Dufresne et J. Nguyen. Editions Budostore. Paris 1994. Tai-Ji-Quan, pratique et enseignement des 8 Portes et 13 postures , par Georges Charles et Christian Bernapel. Editions Encre, Paris 1991.
Je ne saurais trop vous encourager, dans le même temps, à vous initier aux textes classiques de la tradition taoïste : Tao To King , l’œuvre complète de Tchouang-Tseu, Le vrai classique du vide parfait de Lie-Tseu, aux Editions Gallimard. Une mention particulière pour Le secret de la fleur d’or , éditions Librairie de Médicis, Paris 1969. Enfin, si vous voulez débuter votre culture taoïste de manière agréable mais néanmoins juste : Le taoïsme vivant , par John Blofeld, éditions Albin Michel.
Ce petit ouvrage contient, dans ses dernières pages, un petit joyau en matière d’expérience mystique.
Si l’on meut le corps très lentement, O Déesse, (jouissant alors) d’une disposition d’esprit bien apaisée, l’on parviendra au flot Divin . Vijnana Bhairava Tantra, trad. Lilian Silburn, Ed. de Broccard, Paris .
La préface de Ram pour l’ouvrage de Jean Gortais Taiji Quan – L’enseignement de Li Guanghua La tradition de l’Ecole Yang (Editions Courrier du Livre)
Li Guanghua est né le 28 février 1914 à Xiadian près de la ville de Xian située dans la province chinoise du Hé-Bei. Il fit ses études secondaires à Beijing et commeça à pratiquer le Taiji Quan à l’école de Maître Yang Chen Fu. Au cours de ses études universitaires à Shang-Hai, il reçut un enseignement personnel de Maître Luo, disciple de Tang Shen Fu. Arrivé en France en 1950 il entreprit des études à la Facuoté de la Sorbonne à Paris et obtint un doctorat en droit. Il enseigna le Taiji Quan à ses élèves en cours individuels pendant plusieurs années. A la demande du département de psychomotricité de l’Hôpital de la Salpétrière, il anima un groupe à partir de 1972. Li Guanghua est mort à Paris le 11 juillet 1977.
Li Guanghua tenait de ce vieux Maître paisiblement assis sur l’échine d’un buffle. Il en avait, en tout point, l’aisance et la la souriante affabilité. Il s’était installé dans la quiétude et la faisait partager, sans contrainte, à ses amis. Avec lui le Taiji Quan avait une saveur raffinée, savant mélange d’Amitié, d’Art et d’Ame. « Mes brouillons de Taiji mijottent doucement », m’écrivait-il.
Il en parlait peu, ne s’en glorifiait jamais, à l’image de celui dont il est dit « Il produit sans s’approprier, il agit sans rien attendre ; son oeuvre accomplie il ne s’y attache pas ; et puisqu’il ne s’y attache pas, son oeuvre restera. » Nous devons bien vivement féliciter Jean Gortais d’avoir pris l’initiative de terminer ces textes laissés inachevés. En outre, l’adjonction, dans ce livre, de plusieurs études complémentaires de celles de Li Guanghua confère à cette oeuvre une abontante richesse et la destine à un grand rayonnement.